Nicolas Guibert ne produit pas que du fromage de chèvre. Quand la douceur relative des journées de février vient contrebalancer la froideur des nuits, à plus de 1.000 m d’altitude, sur les hauteurs de Linthal, il récolte aussi de la sève de bouleau, à qui l’on prête de nombreuses vertus.

Il est 8 heures, ce mercredi matin. Dans la cour de la Ferme Steinmauer, perdue dans les hauteurs de Linthal et de la Vallée du Florival, il ne fait que 2°. Le soleil, timide, est en train de sortir de la brume en face, entre le haut du massif de la Forêt Noire et les sommets des Alpes, là où le Rhin dessine une méandre dans sa descente vers le nord. La chèvrerie et l’espace autour commencent à se parer d’une douce lumière.

« Il a gelé cette nuit », indique Nicolas Guibert, qui vient de quitter le hangar où ses chèvres, bien au chaud, sont en train de se délecter du foin de la ferme. Il vient de vérifier si tout va bien chez celles qui mettront bas la semaine prochaine.

Il se met en route vers sa bétulaie, située au début de ses 44 hectares de landes, juste au-dessus de la marque des 1.000 mètres d’altitude. La lande, un espace « qui produit très peu, mais d’une diversité végétale fort intéressante », explique-t-il, fier que sa ferme soit entièrement intégrée dans une zone Natura 2000.

Une sève particulière

Des nuits fraîches, des journées douces pour ce mois de février. Le temps idéal pour que la sève monte dans les bouleaux. Nicolas, justement, vient vérifier la quinzaine de seaux qu’il a installés il y a quelques jours au pied des arbres.

« C’est une sève particulière. Ici, à cette altitude, les arbres sont sur un socle rocheux, granitique, avec très peu de terre. Ils poussent lentement, dans la difficulté. » Une sève nécessitant davantage de force, donc, pour monter dans les branches. A l’image de la vie, ici, plus rude pour les humains aussi. « C’est la spécificité de la montagne. »

La sève arrive, notamment sur les arbres situés les plus bas. Là, les gouttes se forment rapidement et tombent. Les seaux commencent à se remplir. Mais le liquide n’a pas encore la qualité optimale – celle que Nicolas vise pour ses clients: une sève cristalline, débarrassée de la couleur jaune de ses débuts, due à l’écorce et autres mousses.

Par respect pour les arbres

Au fur et à mesure des jours, et de l’arrivée de températures plus clémentes, Nicolas installera ses chalumeaux et ses tuyaux –qu’il fait venir du Canada, de fournisseurs spécialisés dans la récolte de sirop d’érable– ainsi que ses seaux blancs de qualité alimentaire sur des bouleaux situés plus haut sur son flanc de montagne.

Et pas question de laisser des trous dans ses arbres une fois que la sève est récoltée! « Par respect », Nicolas ramasse à chaque fois une petite branche tombée au pied du bouleau –pour ne pas risquer de rejet–, la taille en triangle avec un cutter et l’enfonce dans l’entaille.

L’éleveur se targue de ne pas faire pas de stock. Il récolte dès l’aube pour que la sève soit en magasin le matin-même chez Cœur Paysan, à Colmar et à Mulhouse. « La fraîcheur absolue. » Sans pasteurisation, sans mise sous vide, sans ensachage. Une autre de ses fiertés.

Nicolas appelle Gwen – « Ca date de ma période celtique », rigole-t-il – et Plume, ses deux border collies, et repart vers la ferme avec elles, bredouille. Si le temps se maintient, la récolte sera pour demain.

Pour conserver la terre

« C’est ma source », dit Nicolas en pointant vers un lit de mousse. Celle qui lui apporte l’eau à la maison –non reliée au réseau du village– et à la ferme. Il montre le terrain escarpé au-dessus. « C’est ma responsabilité », lance l’ancien écologue, diplômé d’un master en hydrobiologie, passé dans l’agriculture en 2012. La responsabilité de l’entretenir, pour que sa qualité reste égale, aujourd’hui et demain. 

« Je suis là pour conserver la terre. » Il étend son bras vers sa colline. « Si les promeneurs voient ces paysages, c’est parce que nous sommes encore là, les agriculteurs de montagne. »

Sève de bouleau de la Ferme Steinmauer, en vente chez Cœur Paysan.
Sève en vrac: 12,50€ le litre.
Contenant d’un litre en terre cuite: 4,50€ (ou amenez votre propre contenant, de préférence en verre ou en terre cuite, pas en plastique).

La sève de bouleau

Quelles sont les vertus pour notre organisme?

« En hiver, le corps s’encrasse toujours, car l’activité physique est forcément plus réduite, les aliments et les repas sont plus riches. La sève de bouleau prépare l’organisme au changement de saison, rappelle Nicolas. Par sa double action d’élimination par le foie et le rein, la cure de bouleau est efficace pour drainer les toxines et se purifier. »

La sève de bouleau est à prendre en cas d’affections rhumatismales, de lithiases (biliaires ou rénales), de cholestérol, de triglycérides et de terrain goutteux. Elle donne de bons résultats sur les douleurs articulaires, l’arthrite et l’arthrose. Elle améliore les troubles urinaires. Elle élimine les acides (comme l’acide urique) en excès dans le corps et toutes les toxines (médicaments, additifs, pesticides).

La sève de bouleau, dont l’usage est documenté depuis le Moyen Âge, est un excellent fortifiant du système osseux. Elle revitalise, reminéralise: elle contient beaucoup de silice, le « transistor de la vie », selon Rudolf Steiner, philosophe à l’origine des écoles portant son nom et –ce que l’on sait moins– de la biodynamie dans l’agriculture.

On prête également à la sève de bouleau des effets positifs contre tous les problèmes de peau (eczéma, boutons, acné). Diurétique et drainante, elle élimine la cellulite et réduit les œdèmes. Certains l’associent d’ailleurs aux régimes amincissants…

A quelle dose?

La dose habituellement indiquée est d’un verre de 10 à 15 cl par jour, le matin à jeun, pendant trois semaines, durée idéale d’une cure.

Et pour les enfants?

Ne pas donner à l’enfant de moins de 3 ans. Puis les doses varient en fonction de l’âge: 1 cuiller à café pour les 3-6 ans, 1 cuiller à soupe pour les 6-8 ans, 2 cuillers à soupe pour les 9-12 ans.

Comment se conserve-t-elle?

La sève se conserve au frais, au réfrigérateur, à l’abri de la lumière, pendant une semaine (durée de la bouteille d’un litre).