M6 est venu en reportage chez Cœur Paysan pour son 1245 de mardi 30 janvier. Le journal télévisé de mi-journée, présenté par Nathalie Renoux, a mis en avant notre «magasin géré par des producteurs», à Colmar et à Mulhouse.
Nathalie Renoux. Depuis une semaine, donc, la colère et les revendications portent notamment sur les grandes surfaces. En Alsace, des agriculteurs ont décidé justement de s’en passer pour créer leur propre supermarché. Comment ça marche ? Est-ce que les consommateurs s’y retrouvent ?
Reportage sur place avec Guillaume Ripert et Maxime Rousso (à découvrir de 7’50 à 13’30).
Bienvenue dans ce supermarché de Colmar, à l’allure classique, mais au fonctionnement hors du commun. Fruits, légumes, boissons, viandes…
Cathy, la salariée, à une cliente: «Alors de l’échine de porc sans os?»
En tout, 3.000 références.
Client: «Il nous faut de la crème fraîche aussi.»
Et 2,5 millions de chiffre d’affaires l’année dernière. Nous sommes chez Cœur Paysan, un magasin créé et géré par une cinquantaine d’agriculteurs.
Caissière: 10,83€, s’il vous plaît.
Selon ce client, pas de grosses différence à la caisse.
Client: Les prix sont similaires…
Vérifions cela en allant dans un hypermarché juste à côté et faisons la comparaison avec trois produits bio. Dans le magasin de producteurs, la confiture de fraise coûte plus cher (+93%). En revanche, la moutarde (-29%) et la bouteille d’un litre de lait (-47%) sont plus économiques dans le magasin de producteurs.
Aurélien Guyon, au boucher: Salut Christophe, comment ça va?
Pour le directeur, la hausse des prix a été moins élevée que dans la grande distribution.
Aurélien Guyon, directeur: «La toute première partie de l’inflation, où il y a eu 14% la première année, nous on était à moins de 2%.»
Comment David parvient-il à rivaliser avec Goliath? C’est ce que nous avons cherché à comprendre en allant à 20 kilomètres de là chez Ange, un des premiers à participer à l’aventure, il y a huit ans.
Ange Loing, agriculteur à la tête la Ferme des Schalandos, co-président de Coeur Paysan, fourche à la main, en donnant à manger à ses vaches: «Bon vous avez déjà pas mal à manger les filles. On va vous en remettre encore un peu, cela ne vous fera pas de mal.»
Il a 45 vaches laitières.
Ange Loing, en caressant la tête d’une vache: «C’est une des plus anciennes du troupeau, hein?»
Et une ambition: gagner sa vie en faisant du bio.
«Hop, viens manger, viens là! […] Ils sont nés hier matin.»
Malgré son engagement écolo, il regrette les nouvelles normes environnementales.
Ange Loing: «On a été obligés, suite à cette nouvelle réglementation et du cahier des charges européens, de construire une nouvelle nurserie.»
Montant de cet espace pour les nouveaux-nés, avec ouverture sur l’extérieur?
«Ca nous a coûté à peu près 15.000€. Je pense qu’ils étaient bien là où ils étaient avant. Ils étaient dans des box en liberté.»
Cet argent, il l’a économisé en sortant de la grande distribution. Son lait était alors récolté par une grande multinationale de l’agro-alimentaire.
En montrant le premier cinquième d’une bouteille de lait: «Ce qui revient au producteur, en gros, c’est environ ça d’une bouteille de lait. Tout le reste, c’est soit l’industriel, soit la marge de la grande distribution… »
Pour lui, la vente directe est plus intéressante.
«Il y a une différence de marge, pour nous, d’environ 10% à 15%.»
Autre avantage à être autonome…
« Le prix de vente de cette tome, c’est moi qui vais le fixer dans mon magasin. Et donc, ça me permet d’avoir une vision un peu plus long terme de la situation. »
L’agriculteur et ses six collègues sont également maîtres de ce qu’ils fabriquent. Et leur imagination semble sans limite.
« Là vous avez l’exemple d’un délire de notre équipe, qui a fabriqué un dessert glacé, avec une vache dessus. On fait du yaourt au kiwi […] C’est une tarte au fromage […] Ca, c’est le carré d’Hachimette, c’est un fromage qui ressemble un peu à un camembert. Ca permet de dynamiser l’équipe. Ca permet aussi de leur laisser une capacité d’innovation, de découverte, d’invention. C’est quand même sympa dans un métier… »
En échange de cette liberté, il y a des contreparties. Pour se passer des intermédiaires, Ange traville 75 heures pas semaine et doit multiplier les casquettes.
«Ah, je peux amener le fromage coupé également…»
C’est lui, par exemple, qui va livrer directement ses produits. Sur place, il s’occupe de la mise en rayon. Il doit gérer les stocks.
«Là, on a préparé un peu plus de lait parce que c’est la Chandeleur. On en a fait peut-être un peu trop… Ben, ça marche pas toujours.»
En cas d’invendus, contrairement au système traditionnel, c’est lui qui assume les pertes.
«C’est le côté négatif de la situation. Le plus risqué, on va dire.»
Tablier enfilé, Ange devient boucher […], caissier […] et fromager […] deux après-midi par mois.
«C’est mon fromage, oui. C’est ma fierté de pouvoir servir les clients directement avec les produits qu’on a fabriqués depuis l’origine.»
Les clients, eux aussi, apprécient.
Cliente: «On se rend compte de ce qu’on mange, on sait que ça ne vient pas de l’autre bout du monde aussi. Il y a cet avantage-là. »
25% du prix va au magasin pour les frais de fonctionnement, une marge plus faible qu’ailleurs, qui permet à Ange de vivre de son travail.
«On se verse son salaire, d’environ 1.500€ par mois.»
Avec une moyenne de 1.500 clients par semaine, c’est aussi suffisant pour que l’établissement soit rentable.
D’ailleurs, un deuxième supermarché de la même enseigne a pu récemment ouvrir à Mulhouse.
Regarder l’intégralité du reportage sur M6 (de 7’50 à 13’30).